mardi 2 août 2011

Les neuf consciences du Malfini de Patrick Chamoiseau

Le parcours initiatique du Malfini.
Un grand rapace, prédateur "naturel", va désapprendre tout ce qu’il savait pour découvrir, lentement et parfois douloureusement, grâce à l’observation d’un minuscule colibri, le Foufou, des contrées inconnues. Ces lointaines contrées sont, entre autres, la tolérance et la douceur, la modestie et la sobriété (le livre est dédié entre autres à Pierre Rabhi, créateur de la sobriété heureuse) ainsi que la joie et le bonheur de célébrer le vivant, "l’horizontale plénitude du vivant", selon l’idée chère à l’auteur.
Nulle hiérarchie entre grands et petits, respect de chaque être vivant, même lorsque l’on ne comprend pas son comportement, car chacun a son utilité pour la sauvegarde de l’environnement et l’harmonie du monde.

 Extrait
"Le Foufou avait initié ce goût de la rencontre dans Rabuchon. Il en fit un principe durant notre longue errance. Il approcha toutes sortes de créatures, mais prit surtout le temps de voleter avec des colibris inattendus et surprenants. Ces derniers avaient développé d’autres façons de manger, de voler, de s’aimer, de chanter ou de ne pas chanter. Ils étaient souvent solitaires, marginaux ou parias. Même solidaires d’une communauté, ils en émergeaient toujours comme des anomalies. Une telle profusion de dissemblances me fascinait au plus haut point, d’autant plus que moi-même – sans perdre le Foufou des yeux – je n’en finissais pas de découvrir des aigles royaux, des rapaces majestueux, empereurs du ciel et princes des nuées, qui régnaient sur des endroits à peine imaginables. Ils avaient d’insolites habitudes pour voler, se nourrir ou crier mais ils paraissaient de ma famille. Malgré l’ampleur des différences qui nous nimbaient de mystères réciproques, tous se voyaient en moi, et je me devinais en eux. Comme si, dans le vertige de cette étrangeté même, je me redécouvrais moi-même, m’informais plus avant de moi-même…"

Aucune morale dans ce livre, seulement l’expérience que fait le Malfini d’autres comportements, d’autres façons d’être au monde, qui vont le transformer en profondeur. Le style du roman est foisonnant, inventif et joyeux, comme le sont les paysages de la Martinique où se situe l’aventure et d’où est originaire Patrick Chamoiseau. Des expressions créoles et, sans doute aussi quelques créations de l’auteur, font que, au-delà de la parabole que j’ai trouvée très forte, ce livre m’est apparu très poétique et sa lecture jubilatoire. Une langue magnifique, à savourer...
Le plus connu des livres de Chamoiseau est "Texaco", prix Goncourt 1992 ; celui-ci a été publié en 2009.


3 commentaires:

  1. Ton article m'invite à me replonger dans Chamoiseau, auteur qui me subjuguait et que je dévorais dans les années 90 (époque où j'ai fait quelques séjours aux Antilles françaises): tout comme toi je trouve sa langue magnifique..
    Amitiés
    JC

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  2. J'ai l'impression que tu as complètement abandonné tonBlog. J'espère que ce n'est pas pour des raisons graves ...
    Je le regrette vraiment : si tu reprends, sois gentille de me le faire savoir..
    Trés amicalement
    JCMEMO

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  3. Heureux que tu aimes le livre de Bauchau, dont je suis "fan". Cent ans l'année prochaine !
    Même vitalité que le cinéaste portuguais Manoel de Oliveira.
    Trés amicalement
    JC

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