lundi 27 décembre 2010

Benda Bilili ! de Renaud Barret et Florent de La Tullaye

Après Illegal, film qui suscite malaise et indignation chez le spectateur, le documentaire Benda Bilili ! offre une leçon d’optimisme. Pourtant, montrer les musiciens du Staff Benda Bilili aurait pu mettre mal à l’aise, ces musiciens des rues de Kinshasa vivant dans la pauvreté et étant pour la plupart gravement handicapés par la poliomyélite. Ce n’est pas le cas ; c’est même le contraire : plutôt que du misérabilisme, c’est une leçon de vie qui nous est donnée. Les membres de ce groupe congolais ont surmonté leur handicap, ce qui les a rendus forts. Ils sont pleins d’espoir, solidaires et prennent même en charge certains gosses des rues.

Les réalisateurs, Renaud Barret et Florent de La Tullaye ont filmé la vie de ces musiciens entre 2004 et 2009. Ils se sont impliqués dans la production de leur premier disque et ont suivi leur ascension jusqu’à leurs premiers concerts en Europe.


Ce qui est frappant, c’est de voir dès le début du film, alors que rien ne permet de croire à son succès, l’enthousiasme communicatif du groupe. Les musiciens sont fiers, confiants dans les chansons qu’ils répètent, dont les textes racontent leurs conditions de vie et leurs espoirs. Ils ont un rêve, vivre de leur musique, réussir, aller en Europe et travaillent sans se décourager pour le réaliser.

Bien que leurs conditions de vie soient très difficiles, leur énergie et les scènes choisies par les réalisateurs (le match de foot par exemple ou le dialogue philosophique entre les adolescents) nous permettent d’avoir un regard sur la misère et le handicap à la fois bienveillant, solidaire mais sans pitié aucune.

Bravo à tous les musiciens : Léon "Ricky" Likabu, Roger Landu, Coco Ngambali Yakala, Théo "Coude" Nsituvuidi, Claude Kinunu Montana, Paulin "Cavalier" Kiara-Maigi, Djunana Tanga-Suele. Merci pour cette leçon d’optimisme. Quand nous aurons quelques tracas de privilégiés, nous penserons à eux.

dimanche 26 décembre 2010

Illegal de Olivier Masset-Depasse

Illégal, film de fiction de Olivier Masset-Depasse est un faux documentaire. Il relate une réalité terrible, celle des étrangers sans papier qui, bien que travaillant depuis des années sur le territoire (la Belgique dans le film mais la situation est malheureusement la même dans de nombreux pays, en France notamment), se retrouvent, à l’occasion d’un simple contrôle d’identité, en Centre de rétention, pour être ensuite renvoyés dans leur pays. Le film débute en décrivant le quotidien difficile de Tania, une femme d’origine russe, exilée depuis huit ans pour échapper à la misère avec son fils adolescent. Vie difficile économiquement et surtout psychologiquement, la peur d’une arrestation étant toujours présente.
 La plus grande partie du film se passe ensuite dans un Centre de Rétention. Avec précision, le réalisateur montre la violence de l’enfermement de personnes dont le seul crime est de vouloir vivre normalement. Puis, il dévoile peu à peu l’extrême violence de la procédure de "retour volontaire", appliquée d’abord à une jeune femme noire avec laquelle se lie Tania, puis à Tania elle-même.
Un film difficile mais nécessaire comme une alerte à la vigilance et à la résistance face aux dérives de nos démocraties.

samedi 4 décembre 2010

Les jours de la femme Louise et autres nouvelles de Madeleine Bourdouxhe

Quand j'ai lu, il y a quelques années, le court roman, la femme de Gilles, j'ai un peu regretté de n'avoir connu son auteur, Madeleine Bourdouxhe, qu'après sa mort (survenue en 1996). Ce roman-là, écrit en 1937, bien au-delà du thème de l'amour inconditionnel, m'a totalement séduite par la grâce de son écriture. Si je l'avais découvert avant, j'aurais pu déjà l'avoir relu tant et tant ! (comme Le grand Meaulnes ou Le parfum).
Ici, j'ai choisi de parler plutôt de ces sept nouvelles, très diverses tant par le thème que par leur longueur, parues en 1985. Elles ont en commun un style inimitable, sorte de poésie réaliste qui me touche énormément. Plutôt qu'un long discours, quelques extraits permettront de se faire une idée.

- Extrait de "Champs de lavande". "Il promenait le souffle chaud sur la chevelure, ou bien il le faisait s'arrêter un moment au même point, et il voyait alors une mèche devenir de plus en plus légère, réonduler d'elle-même, voler doucement. Et l'odeur montait peu à peu. Non plus d'alcool mais de lavande. L'odeur montait, le ligotait, s'insinuait en lui tout entier. Il est là, avec son séchoir d'acier à la main. Et parce que le bruit est un peu comme cela mais tout à fait différent, il se revoit, lui René, lorsqu'il est devant sa machine, à l'arsenal, qu'il surface la pièce d'acier et que l'odeur d'huile lubrifiée monte autour de lui. Mais, dans l'odeur d'huile, tous les détails restent clairs en ses pensées : il sait qu'il doit baisser le levier à rouge poignée, que l'action doit durer trois minutes, il sait que dans une demi-heure le travail s'arrêtera, qu'il ira casser la croûte avec les autres. A présent, dans l'odeur de lavande, il est comme dans un nuage. Dans ce nuage, il n'y a rien d'autre que l'odeur et que cette coulée de cheveux vaporeux qu'il soulève de sa main gauche. Ils flottaient maintenant, ces cheveux d'une finesse extrême, ils voletaient sous le souffle chaud, annelés et dorés. Il les palpait, il les soulevait, il les remuait doucement. Il les étala en éventail sur les épaules, les souleva en toison vers la lumière, et la coulée devint claire et vivante, d'entre ses ondes, l'odeur monta triomphante. Alors il vit, comme si elles naissaient là sur les coulées, les fines tiges des lavandes, leurs hampes bleues. Quelques-unes, et puis des infinités, en houles bleues. Devant lui, ou bien ailleurs, il ne savait pas. Ici ou dans des lointains ignorés, il voyait des lavandes en vastes champs sans frontière."

 - Extrait de "Un clou, une rose". Il a pris son verre dans ses mains ; par petits gestes il a fait tourner la bière dans le fond de son verre, il ne disait rien et moi je parlais et devenais lentement folle. Il y a quelque chose, ai-je dit, il y a quelque chose que tu ne me dis pas, par exemple quelque chose que tu croirais et qui ne serait pas vrai. Dis-moi, explique-moi, parle, ai-je dit, parle. Il ne disait rien. Nous n'avions pas l'habitude de nous expliquer les choses. Il était entendu que nous le comprenions ainsi, sans guère de paroles. Alors je me suis dit que je n'avais qu'à partir. Et à laisser ainsi cette chose que je ne comprendrais jamais. Si je lui ai dit au revoir, je ne le sais plus. Je crois que je ne l'ai pas fait, que je me suis levée ainsi, que j'ai traversé la salle, que j'ai ouvert la porte. Avec lui qui restait assis, qui ne me suivait pas. C'était le bistrot où nous nous retrouvions souvent. A l'enseigne d'un nom de fleur. Comme : au muguet, ou : à la giroflée. Ce n'est pas que j'aie oublié le nom, mais j'essaye toujours de ne pas le penser. J'ai marché dans la rue, il ne m'a pas rejointe, il n'a pas crié : Irène."

mercredi 17 novembre 2010

Mal de pierres de Milena Agus

Des pierres précieuses pour ce court roman qui nous fait partager le quotidien plutôt rude de sardes ordinaires pendant la guerre et l’après-guerre. L’héroïne au mal de pierres, grand-mère de la narratrice, a vécu à Cagliari une jeunesse malheureuse, faisant fuir tous ses prétendants. Elle se marie cependant mais sans connaître l’amour qu’elle considère pourtant comme la chose essentielle pour supporter l’existence. Le livre nous fait partager le chemin tortueux que prendra cette belle femme, en décalage avec sa famille et la société de l’époque, pour parvenir à l’amour. Paradoxalement, le réalisme du récit est superbement rendu par une écriture libre mais délicate et beaucoup de tendresse envers les personnages.

samedi 23 octobre 2010

Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun


Le film tchadien de Mahamat-Saleh Haroun est simplement beau parce qu’humain. Il ne porte pas de jugement, ne livre aucune solution individuelle ou collective. Il montre Adam, un homme vieillissant confronté à la violence des changements dans la société dus à la mondialisation et à la guerre. Il donne à voir la souffrance de ce père qui, face aux forces en présence, ne trouve qu’une échappatoire dramatique pour ne pas perdre pied.
Je me suis demandé si un engagement, politique, était possible dans ce pays, s'il. aurait pu donner un sens à la vie d’Adam et des autres personnages, son ami le cuisinier par exemple. Rien n’est sûr. Le futur sera peut-être différent, pour l’enfant qu’attend la femme de son fils. Ce que montre le réalisateur, c’est la dureté de la guerre, du monde, qui rend Adam impuissant, sans réelle possibilité de choisir.

Ce film beau et lent est de facture presque académique avec par exemple de longs plans fixes. On y voit des scènes simples, émouvantes, teintées parfois d’humour. L’acteur principal Youssouf Djaoro est exceptionnel, ainsi d’ailleurs que Hadie Fatime Ngoua qui joue le rôle de sa femme.


mercredi 29 septembre 2010

Retour à Reims de Didier Eribon

Ce livre magnifique fait un va et vient permanent entre l’histoire personnelle de l’auteur, fils de prolétaire devenu un universitaire reconnu, et une fine analyse sociologique et politique. Didier Eribon fait souvent référence à Annie Ernaux, il y a effectivement une certaine ressemblance dans leurs parcours, dont l’écriture est cependant plus intimiste. Ici, les chapitres autobiographiques sont pleins de sincérité, de retenue et de finesse. Rien de pesant non plus dans les chapitres d’analyse qui éclairent ce chemin hors du commun , souvent difficile, puisque l’auteur fuit dès qu’il le peut sa famille, son milieu social et sa région. Didier Eribon, "élève" et ami semble-t-il de Pierre Bourdieu, aborde les divers sujets, l’éducation de l’école à l’université, la culture, la politique sous l’angle de la reproduction sociale et de la domination des classes dirigeantes. Il nous fournit ainsi quelques clés pour comprendre le monde néolibéral si dur, si inhumain dans lequel nous vivons aujourd’hui. Un livre subversif, à lire absolument.

jeudi 16 septembre 2010

Le marchand de passés de Jose Eduardo Agualusa (trad. du portugais, Angola)

Ce livre que j'ai lu et relu avec grand plaisir, représente pour moi le prototype d'un roman, mêlant habilement fiction et réalité. D'abord parce qu'il est plein d'images d'ailleurs à découvrir et habiter, de rêves à ré-inventer, d'odeurs et de saveurs à déguster. Un style à la fois limpide et poétique (même s'il est délicat de se faire une idée à travers une traduction).
Ensuite parce que Félix Ventura, l'étrange personnage principal, un "homme qui trafique les souvenirs, qui vend le passé secrètement", et propose sur sa carte de visite : “Assurez à vos enfants un meilleur passé” a un ami narrateur, plus inattendu encore, qui nous offre un regard, un ressenti, nécessairement différent. A ses clients, Félix ... "vend un passé neuf sur papier, trace leur arbre généalogique, leur donne des photographies de leurs grands-parents et arrière-grands-parents, des messieurs de belle prestance, des dames des temps anciens, il leur vend ce rêve innocent." Il dit lui-même de son activité : "Je pense que ce que je fais est une forme avancée de littérature." "Moi aussi je crée des intrigues, j’invente des personnages, mais au lieu de les garder prisonniers dans un livre je leur donne vie, je les jette dans la réalité." Roman dans le roman donc.
Bien sûr, d'autres personnages d'importance, tous un peu hors du commun, gravitent autour de Félix. Et puisqu'il s'agit  d'un bon roman, la réalité fait aussi irruption dans la fiction et contrecarre les "rêves innocents".

mardi 31 août 2010

Pétition - Manifestation contre la poilitique ultra-sécuritaire en France

Les plus hautes autorités de l’Etat jettent à la vindicte publique des catégories entières de population : Roms et Gens du voyage accusés comme les étrangers d’être des fauteurs de troubles, Français d’origine étrangère sur lesquels pèserait la menace d’être déchus de leur nationalité, Parents d’enfants délinquants, etc.
Face à la stigmatisation de ces millions de personnes en raison de leur origine ou de leur situation sociale, de très nombreux syndicats, partis et associations appellent
à signer l’appel citoyen « Face à la xénophobie et à la politique du pilori : liberté, égalité fraternité » : signer ici
à manifester tous ensemble SAMEDI 4 SEPTEMBRE 2010.
A Paris : place de la République à 14h00
A Grenoble : gare Sncf à 14h30 ou place du Marché de la VILLENEUVE à 14h ; les deux cortèges se rejoindront vers 15H30 place André Malraux pour se diriger vers la Préfecture, place de Verdun, en passant par le centre ville.

dimanche 29 août 2010

Z Revue itinérante et de critique sociale

Pour commencer, je recommande chaudement la lecture de cette revue trimestrielle alternative. Du beau papier, de superbes photos et surtout des reportages passionnants que l'on ne trouve pas ailleurs incluant des analyses sérieuses, très complètes, des références bibliographiques pour en savoir plus, bref à ne pas rater. Le numéro 2 (plus de 160 pages) présente par exemple un gros dossier sur Marseille analysant la politique de la ville et expliquant comment la population est peu à peu dépossédée de l'espace urbain. Le numéro 3 (presque 200 pages) consacre plusieurs articles aux luttes ouvrières, passées et présentes, et envisage de nouvelles formes de rapport à la production.


Il est préférable de s'abonner (c'est pas cher) car les points de vente sont rares et la revue, sans capital, a besoin de soutien pour exister : cliquer sur Z pour accéder au site. c/o La Parole errante, 9, rue François Debergue 93 100 Montreuil.

samedi 28 août 2010

Pourquoi ce titre ?

L'intitulé de ce blog est emprunté à une chanson des Beatles qui m'a été remise en mémoire grâce au film  "beatlien" éponyme que j'aime bien (j'aime bien le mot éponyme aussi), film inventif, agréable, réalisé en 2007 par Julie Taymor. C'est un clin d'oeil puisque mes messages vont partir dans l'espace où ils rencontreront peut-être un écho.